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Qu'est-ce que l'engagement actionnarial ?

Dernière mise à jour : 28 janv. 2022


L’engagement actionnarial correspond à la manière dont une société de gestion, un fonds d’investissement ou un acteur privé intègre son rôle d’actionnaire dans sa stratégie d’investissement. Le terme d’engagement actionnarial renvoie à l’impact que peut avoir un actionnaire sur les pratiques de l’entreprise investie. C’est un moyen de faire usage de sa position significative au capital pour influencer et faire valoir ses ambitions pour l’entreprise investie.



En termes d’ESG, l’engagement actionnarial intervient une fois l’analyse des critères extra-financiers de l’entité réalisée. Lors de cette analyse, le gérant d’actions peut identifier des points d’amélioration et/ou des risques éventuels auxquels l’entreprise est exposée sur les sujets environnementaux, sociaux et de gouvernance. Il sera donc l’occasion de s’engager auprès des sociétés investies afin d’exiger d’elles qu’elles améliorent leurs pratiques actuelles. Cet engagement peut se traduire à la fois par un dialogue direct avec les entreprises en portefeuille et un suivi des recommandations faites afin de s’assurer de l’impact que les discussions ont eu.


L’engagement actionnarial peut ainsi avoir des conséquences significatives sur le processus de gestion jusqu’à aller à un gel ou une sortie de l’investissement si les objectifs discutés ensemble ne sont finalement pas remplis. Concrètement, ces exigences permettent d’avoir un impact réel sur les investissements réalisés et de faire bouger les choses dans le bon sens.


Les origines de l’engagement actionnarial viennent du développement de l’activisme actionnarial, un moyen pour les actionnaires de faire pression sur les entreprises afin d’orienter leur activité selon certains principes fondateurs. Cela a notamment été le cas dans les pays anglo-saxons qui ont une forte culture d’actionnariat. Plus récemment en Europe, et notamment en France, les problématiques ESG et RSE soulevées, l’engagement actionnarial est de plus en plus présent au sein des sociétés de gestion et permet de faire avancer les choses.


Les méthodes d’engagement actionnarial


  • Désinvestissement (via une politique d’exclusion stricte)

  • Vote aux Assemblées Générales (via une politique d’exercice des droits de vote ambitieuse) : exercice systématique des droits de vote dans les sociétés dont l'investisseur est actionnaire.

  • Dialogue informel avec les parties prenantes de la société en question (sensibilisation aux enjeux, informations sur les ambitions du gérant, réflexions collectives…)

  • Campagne de contestation publique, lobbying, initiatives, enquêtes pour interroger les entreprises sur leurs mesures prises en matière de transition énergétiques.

  • Les méthodes de gestion influent sur les moyens utiliser pour s’engager. Un même gérant pourra user de plusieurs méthodes en même temps ou en privilégier une plutôt que les autres.

 
Cas récent : Engine N°1 vs ExxonMobil, le géant pétrolier

En utilisant les méthodes des fonds activistes, Engine N°1 a réussi a faire bouger les choses chez ExxonMobil. Engine N°1 a revu les données financières d'ExxonMobil pour prouver la nécessité d'un changement de stratégie, plus adaptée à la crise climatique. Le petit fonds californien a également contacté d'autres actionnaires pour appuyer sa démarche. Les demandes du fond alternatif étaient :

  • Réorganiser le comité de direction et engager des acteurs experts dans le secteur de l'énergie pouvant appuyer la transition

  • Imposer une plus grande discipline en matière d'allocation des capitaux à long terme en appliquant des critères d'approbation plus stricts pour les nouvelles dépenses d'investissement

  • Elaborer un plan stratégique concret de création de valeur durable, en accord avec les objectifs de réduction d'émissions

  • Retravailler la rémunération des dirigeants pour mieux aligner leurs intérêts sur la création de valeur (Le PDG Darren Woods a gagné 75 millions de dollars au cours des quatre dernières années (2017-2020), malgré la baisse de la capitalisation boursière d'ExxonMobil (~200 milliards de dollars) alors que l'indice S&P 500 a augmenté de 68 %.

En 2021, la demande de nomination de trois nouveaux administrateurs a été obtenue par vote de la majorité des actionnaires, à l'encontre de l'avis des dirigeants ! Ça c'est de la claque ! 💪🏼

Avec ce succès d'engagement actionnarial, Engine N°1 a prouvé que même les plus petits actionnaires pouvaient avoir un impact sur la gouvernance des entreprises dans leurs portefeuilles.

Plus d'infos sur l'activisme d'Engine N°1 auprès d'ExxonMobil sur le site dédié ici.


🧐 Vous voulez en savoir encore davantage ? Vous pouvez retrouver une analyse des démarches du fonds Engine N°1 auprès d'ExxonMobil sur le site de Novethic.

 

L’aspect règlementaire


En France, la Loi Pacte de 2019[1] a rendu obligatoire la publication par les investisseurs de leur politique d’engagement actionnarial et d’un compte rendu annuel de celle-ci, « décrivant la manière dont les sociétés de gestion de portefeuille intègrent leur rôle d’actionnaire dans leur stratégie d’investissement ». Dans le sens inverse, la loi prévoit également une disposition qui permet aux émetteurs d’identifier leur actionnaire détenant plus de 0,5% du capital. Cela est fait dans un but de transparence et d’amélioration du dialogue entre les différents acteurs. Les sociétés de gestion seront davantage en mesure de répondre aux besoins de leurs actionnaires.

Qui plus est, la loi PACTE permet de donner un cadre à la raison d'être d'une entreprise et sa mission dans la société, ce qui rapproche l'objectif du dirigeant de celui de son entreprise en elle-même, et plus uniquement des relations avec ses investisseurs.


En Europe également, déjà en 2017, une nouvelle directive sur les droits des actionnaires a mis en avant ce sujet essentiel. La directive UE 2017828 vient modifier celle de 2007/36/CE afin de promouvoir l’engagement actionnarial dans les sociétés cotées.


Ces règlementations permettent de rappeler la responsabilité que doit avoir un acteur en tant qu’actionnaire d’une société.


Les limites de l’engagement actionnarial


Néanmoins, certains gérants peuvent utiliser cette « excuse » d’engagement actionnarial au service de l’inaction et/ou de choix d’investissements controversés. En prenant l’exemple d’un gérant institutionnel qui choisirait d’utiliser une méthode de best-effort dans son processus de sélection des entreprises, il argumenterait le choix de supporter une entreprise comme Total en disant que des sensibilisations aux enjeux environnementaux sont en cours, que la politique de dialogue permet de valoriser certaines activités plutôt que d’autres auprès des différentes parties prenantes…etc. Et pourtant l’objectif du mandat de Total n’est en rien de respecter les objectifs des Accords de Paris afin de limiter le réchauffement climatique, enjeu environnemental et social auquel le secteur pétrolier de Total est pour partie responsable. Tous ces objectifs ou engagements climatiques pris deviennent donc rapidement caduques par la force du mandat inscrit dans ses statuts !



Une deuxième limite majeure repose dans le fait qu'un vote aux assemblées générales approuve ou rejette en "bloc" la stratégie proposée, qu'elle vienne des actionnaires ou de l'entreprise. Ce process ne permet donc pas d'étayer l'argumentaire d'une proposition stratégique : si la mesure ne concerne par exemple qu'une partie de l'activité d'une entreprise, celle-ci doit être acceptée, même si elle ne bénéficie pas à d'autres parties, néfastes pour l'environnement.

L’engagement actionnarial est réellement un atout ESG lorsqu’il est accompagné d’une politique solide exposée au sein des informations règlementaires du gérant en question.

Pour qu’il soit efficace, l’engagement doit reposer sur des faits réels avec des axes d’améliorations possibles concrets.



Si l’engagement actionnarial peut se faire soit de manière publique ou privée, ou combiner les deux approches, certaines revendications publiques peuvent être mal perçues par les entreprises ce qui peut conduire à une limitation des pouvoirs des actionnaires par les régulateurs, ce qui aurait pour conséquence l’inverse de l’effet escompté.



 

A retenir ✍🏽

  • L’engagement actionnarial peut être un outil efficace pour faire valoir les enjeux du développement durable au sein des choix d’investissement des actionnaires.

  • Le cadre d’application d’un engagement actionnarial doit être publié au sein de la politique ESG de l’actionnaire afin d’exposer les mesures d’application (politique de dialogue, politique de vote), les initiatives réalisées et les sanctions possibles.

  • L’engagement actionnarial ne doit pas être une excuse utilisée pour investir dans des secteurs qui ne participent pas à la transition énergétique et écologique de la société. Si cela est fait ainsi, l’actionnaire en question ne peut en tout cas être qualifié d’investisseur durable à proprement parlé.

 


Sources utilisées à des fins d’information :

[1] Loi Pacte (Plan d’Action pour la Croissance et la Transformation des Entreprises) a été promulguée le 22 mai 2019 et met en avant la prise en compte des enjeux environnementaux et sociaux dans le développement et la transformation des entreprises.

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