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Interview d'Eliza MAHDAVY, Responsable de la performance ESG d’EDF au sein de la direction Impact


Est-il nécessaire de présenter EDF, l’entreprise de production et de fourniture d’électricité ? A l’heure où la question énergétique est de plus en plus présente dans les médias et l'esprit des citoyens, l’Etat, alors actionnaire majoritaire à plus de 80% de l’entreprise a annoncé au début de l’été sa volonté de racheter les parts restantes afin de la nationaliser. EDF est également le premier producteur et fournisseur d’électricité en Europe et le deuxième producteur d'électricité derrière China Energy Investment au niveau mondial en matière de puissance installée. Mais EDF est aussi le premier producteur d'énergie sans CO2 direct dans le monde grâce au nucléaire et aux énergies renouvelables. En France, en proposant une électricité décarbonée à 97%, il se place en acteur majeur de la décarbonation de notre société contemporaine.


re.boot a eu la chance d’interviewer Eliza MAHDAVY, Responsable de la performance ESG d’EDF au sein de la direction Impact.



Bonjour Eliza, pourriez-vous présenter votre parcours en quelques lignes pour nos lecteurs ?


Bonjour re.boot !

Mon parcours peut être résumé en 2 phases :


La première, dans le conseil en transformation des organisations/des entreprises dans lequel j’ai débuté dès la fin de mes études. J’ai adoré être consultante. C’est un métier qui nous apprend beaucoup. Au-delà des compétences, il m’a inculqué un savoir être et un savoir-faire qui me servent encore aujourd’hui : être autonome, s’attacher à l’essentiel plus qu’à l’évident, utiliser un regard neuf pour formuler des recommandations et les déployer.


Une deuxième phase ensuite dans le secteur de l’énergie. D’abord au travers de plusieurs interventions en tant que Manager de mission pour EDF particulièrement entre 2001 et 2004. Des années cruciales pendant lesquelles l’entreprise s’est profondément transformée, avec la libéralisation du marché de l’Energie.

J’ai intégré EDF fin 2007 et participé à la création de sa filiale de distribution, devenue ENEDIS, avant d’évoluer au sein de la filière finance-gestion.

En 2017, je suis nommée Directrice Administrative et Financière d’une filiale du Groupe dans laquelle j’étais à la fois chargée de piloter les finances mais aussi la RSE et le dialogue social.

Cette double responsabilité Finance-RSE m’a convaincue de poursuivre ma carrière dans cette voie.


Sur une note plus personnelle : je suis franco-iranienne, mariée et heureuse maman de 2 filles.



En quoi consiste votre activité actuelle chez EDF ?


Je suis Responsable du Pôle Performance Environnementale Sociale et Gouvernance (ESG) au sein de la Direction Impact du Groupe EDF.

La mission du Pôle, créé à mon arrivée en 2020, consiste à quantifier, stimuler et à rendre compte des progrès environnementaux et sociétaux du Groupe EDF, aussi bien auprès des parties prenantes internes (les salariés, les représentants du personnel,…), qu’externes (les clients, les investisseurs, les analystes, les agences de notations, la société civile, les étudiants,…)


Les activités du Pôle sont structurées autour de 3 enjeux clés :

- La Data et sa fiabilisation : de la collecte au calcul et enfin à la consolidation de plus de 400 indicateurs, y compris le bilan GES du Groupe,

- Le Reporting ESG, règlementaire mais aussi volontaire. Avec une dimension veille et prospective importante sur les initiatives de standardisation (CSRD, ESRS, ISSB, …),

- Le Dialogue avec les parties prenantes externes et internes : les agences de notations, et les investisseurs en collaboration avec les équipes Relation Investisseurs.


Par ailleurs, nous appuyons la Direction Financière dans le développement de tous les outils de financement durables tels que les obligations vertes et sociales et les lignes de crédit à impact, dont le coût de financement est corrélé à la performance des indicateurs extra financiers.



Quels sont les défis auxquels vous faites face dans votre quotidien ?


L’ESG est un écosystème en pleine évolution, et cela implique en effet de la complexité : une multitude de données, d’informations et de déclarations qu’il faut analyser, peser et dont il faut évaluer les conséquences éventuelles pour le Groupe EDF.


Le secteur de l’énergie étant très exposé, et EDF étant un acteur clé de la transition écologique, nous sommes confrontés au quotidien à d’innombrables demandes émanant d’investisseurs, d’agences de notations extra-financières, de benchmarkers, … qui cherchent à comprendre et souvent à noter la performance ESG d’EDF.

Un quotidien bien rempli qui demande à être sur le pont en continu, car comme on dit en anglais « either you run the day, or the day runs you ! ». Mon objectif est toujours de rester dans la première option !



EDF est une entreprise particulière : elle a l’Etat français pour actionnaire principal (représenté par le gouvernement - dont l’agenda dicte ses positions), elle vend une commodité hautement stratégique, à la fois sur le plan géopolitique et sur le plan de la transition écologique. En quoi cela impacte-t-il votre métier ?


EDF est en effet un acteur clé du secteur de l’énergie et de la transition écologique. Le Groupe occupe une place stratégique en France, puisqu’en plus de produire une électricité décarbonée à 97%, nous jouons un rôle systémique dans l’équilibre de l’offre et la demande.

L’Europe a la volonté de devenir le 1er continent neutre en carbone en 2050. Avec une intensité carbone d’environ 50 g/kwh, nous avons un grand rôle à jouer dans l’atteinte de cet objectif (la moyenne européenne est de 231 g/Kwh).

Tout ceci nous rend très visible et augmente notre redevabilité. Cela se traduit par la réception de nombreuses demandes de la part de nos parties prenantes, notamment des investisseurs auxquels il faut répondre tout en faisant preuve de pédagogie car nous sommes dans un secteur complexe qui est régi par un ensemble de réglementations, dont nous ressentons l’inflation depuis plusieurs années.


En parallèle, l'Etat, notre actionnaire majoritaire, est légitimement très exigeant sur le plan de la RSE. Il prône l’exemplarité des sociétés dans lesquelles il détient une participation importante notamment en ce qui nous concerne : la réduction des émissions de CO2, la mixité, le supply-chain et les critères ESG dans la part variable des rémunérations des dirigeants.

Les enjeux environnementaux et sociaux sont au cœur de notre Raison d'Être : « Construire un avenir énergétique neutre en CO2 conciliant préservation de la planète, bien-être et développement, grâce à l’électricité et à des solutions et services innovants ». C’est pourquoi la RSE chez EDF est représentée au sein du Comité exécutif, au sein d’une direction plus large qui intègre la Stratégie et l’Innovation. Cela se traduit notamment par notre communication sur une performance intégrée lors de nos résultats financiers.



Au-delà des exigences réglementaires de reporting extra-financier, comment valorisez-vous votre performance ESG ?


Compte tenu de sa position et de sa taille, EDF est soumise à la Déclaration de Performance Extra-Financière (DPEF) qui rend compte de la réalisation de nos engagements RSE.

Ces informations (qui sont intégrées à notre document de référence) sont audités par nos Commissaires aux Comptes et déposées chaque année à l’AMF.


Au-delà de cette publication réglementaire, nous allons plus loin pour répondre aux attentes de nos parties prenantes avec d’autres publications comme :

- Le 1er Rapport Impact du groupe EDF, paru en juillet 2021, dans lequel nous démontrons notre contribution aux ODD de l’ONU,

- Notre Pack ESG, qui rassemble dans un fichier Excel à 33 onglets, tous les indicateurs E, S et G les plus souvent demandés par nos investisseurs et les agences de notations,

- Enfin, depuis 2 ans et avant chaque COP, nos principes de Transition Juste accompagnés de nos preuves d’impacts.



En quoi est-ce important pour EDF d’œuvrer pour de la Transition Juste ? Et concrètement en quoi cela consiste-t-il ?


EDF est une entreprise avec une mission de service public. Les enjeux sociaux ont toujours été au centre de nos préoccupations.

La dimension humaine est au cœur de notre Raison d'Être et conditionne la réussite de notre transition énergétique que nous voulons certes juste, mais aussi inclusive. Cela signifie qu’au-delà de nos propres collaborateurs, nous dressons un panorama large de toutes les parties prenantes - clients, fournisseurs, territoires - qui seront affectés directement et indirectement par notre transformation.


La bonne nouvelle, c’est que la transition juste est devenue depuis 2 ans le nouveau terrain d’activisme des investisseurs : elle est vue comme une condition pour atteindre la neutralité carbone. Les investisseurs valorisent en particulier la qualité du dialogue social et le respect des droits humains.

Dans nos principes de transition juste, tout récemment mis à jour à l‘occasion de la COP7, nous détaillons pour chacune de nos parties prenantes nos actions à impact. C’est cette régularité de reportings rendant compte de nos actions qui crédibilise nos principes.



Est-ce que l'ESG a permis à EDF d'attirer des investisseurs ? Si oui, avez-vous des chiffres ?


Il y a quelques années, on pouvait encore classer les investisseurs en deux catégories : d’un côté, les « mainstream » pour désigner les investisseurs classiques et de l’autre côté les investisseurs socialement responsables (ISR), ceux qui intègrent les critères ESG dans leur choix d’investissement. Mais l’urgence écologique et la pression qui s’exerce sur tous les agents économiques, notamment sur les investisseurs pour décarboner leurs portefeuilles en désinvestissant des énergies fossiles a rendu cette catégorisation caduque.


Aujourd’hui, les investisseurs qui souhaitent engager le dialogue avec le Groupe EDF sont certes soucieux de notre performance financière mais aussi de notre performance environnementale et sociale. Ils sont par ailleurs engagés eux-mêmes dans des coalitions plus larges qui engagent un dialogue actionnarial régulier.


Il est difficile de donner un chiffre compte tenu de notre structure actionnariale avec l’Etat à plus de 84%, mais ce qui est certain c’est que notre maintien dans leur univers d’investissement est corrélé avec notre performance ESG, notamment : nos engagements en faveur du climat, en particulier notre sortie du charbon d’ici 2030, nos réductions d’émissions directes et indirectes, notre dispositif de devoir de vigilance ….


Enfin, nombreux sont les investisseurs qui se reposent sur les notations extra-financières pour inclure ou exclure une valeur de leur portefeuille. Dans ce cadre, EDF étant depuis des années dans le 1er décile des plus grandes agences de notation extra-financières telles que CDP, Vigeo ou Sustainalytics, cela nous permet de rester attractifs auprès des investisseurs.



EDF a toujours été à la pointe de la finance responsable : pionnier dans les émissions vertes dès 2013 et l’une des premières entreprises à avoir mis en place une ligne de crédit indexée ESG en 2017 avec ING Bank. Pourriez-vous nous en dire davantage sur les mécanismes d’indexation de ces lignes de crédit à votre performance ESG ?


Ces lignes de crédit indexées sur des critères extra-financiers sont venues compléter l’ensemble des outils de la finance durable en particulier ceux sur le marché des obligations (vertes et sociales). Ces lignes de crédit représentent aujourd’hui environ 9,1 milliards d'euros de facilités de crédit sur les 12 milliards de lignes de crédit au total, soit 75%. Nous ambitionnons à terme d’atteindre 100%.


Alors que les 1ères lignes de crédit étaient indexées sur des indicateurs exclusivement environnementaux tels que la réduction de nos émissions directes, notre trajectoire de sortie du charbon ou encore le taux d’électrification de notre flotte de véhicule (45 000 véhicules), les dernières lignes de crédit sont aussi indexées sur des critères sociaux tels que : le taux de féminisation de nos comités de direction ou encore le taux de projets ayant suivis une démarche de dialogue et de concertation, en cohérence avec les principes de l’Equateur impliquant les communautés locales.



En s’engageant à respecter une trajectoire de réduction d'émissions de CO2 permettant de maintenir l'augmentation de la température moyenne de la planète bien en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels, EDF est devenu signataire SBTi. Est-ce que cela vous a poussé à envisager une date de sortie de l’exploitation du pétrole, du gaz et du charbon ?


Notre trajectoire carbone est certifiée par l’organisme international SBTi comme étant en dessous de 2°C (Well below 2 degrees). Nos engagements de réduction - aussi bien de nos émissions directes qu’indirectes - ont donc été validés par SBTi. Nous nous sommes engagés à réduire nos émissions directes de 50% d’ici 2030 (l’année de référence étant 2017) et nos émissions indirectes de 28% (l’année de référence étant 2019).


EDF contribue à la neutralité carbone à 2050 en visant le « net zero », toutes émissions et toutes zones géographiques confondues.


Dès 2017, le groupe s’est engagé dans la coalition Powering Past Coal Alliance qui promeut dans le cadre de l’Accord de Paris la sortie du charbon dès 2030 dans les pays européens, et avant 2050 pour le reste du monde. En 2019, le groupe EDF est allé plus loin et s’est engagé à ne plus produire d’électricité à base de charbon d’ici 2030 toutes zones géographiques confondues.


Depuis une vingtaine d’années, nous avons mis en œuvre et accompagné la fermeture du plus grand nombre de tranches charbon et fioul lourd en Europe, respectivement 33 et 15 tranches depuis 1995.


Aujourd’hui, la part du charbon dans notre mix de production électrique est inférieure à 1% et plus de 93% de nos investissements contribuent directement à la décarbonation de l’économie, que ce soit à travers les investissements dans les moyens de production décarbonés (renouvelables, nucléaire) ou dans le renouvellement des réseaux électriques, le déploiement de compteurs intelligents ou le développement de services énergétiques.



L’Etat a lancé une OPA pour contrôler EDF à 100%, ceci va se traduire par la sortie de la cote d’EDF. Cette renationalisation va-t-elle remettre en cause la valorisation de la performance ESG auprès des investisseurs ?


EDF étant un important émetteur de dette pour ses besoins de financement, le groupe continuera à valoriser sa performance ESG pour rester attractif auprès des investisseurs « crédit » qui sont aussi exigeants que des investisseurs « equity ».


Il existe aussi des indices crédit dont certains sont constitués sur des critères climat, c’est le cas par exemple de l’indice PAB (Paris Aligned Benchmark). EDF devra continuer à montrer sa performance, notamment celle de son intensité carbone pour rester dans ces indices.


Enfin la RSE s’incarne au quotidien auprès de nos salariés, eux-mêmes de plus en plus engagés et qui restent nos meilleurs ambassadeurs, que l’entreprise soit cotée ou non !





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