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Découvrir la microfinance : une finance inclusive en faveur du développement


Source : financial inclusion advocacy / poverty action center

Dans le monde, 1.4 milliards d’adultes ne sont pas bancarisés.


En 2021, 24% de la population mondiale ne possédait pas de compte bancaire. En 2011, ce chiffre avait atteint 49% (The Global Findex, La Banque Mondiale). Posséder un compte bancaire ouvre les portes à de nombreux services financiers : obtenir un crédit, réaliser des paiements, recevoir son salaire et épargner pour faire face à des événements imprévus ou des dépenses quotidiennes. Selon le pays, ou l’environnement économique et social d’un individu, avoir accès aux services bancaires classiques (crédit, assurance…) n’est pas si évident que ça. Généralement ce sont les ménages les plus vulnérables, vivant sous le seuil de pauvreté, qui se retrouvent dans cette situation. A titre indicatif, en 2021, 29% de la population des pays en voie de développement n’était pas bancarisée.


Qu’est-ce donc que la microfinance ?


La microfinance est l’une des réponses à notre système financier, inégalitaire dans l’accès à ses services. Elle s’inscrit dans la démarche d’inclusion financière et de l’économie sociale et solidaire, dans la mesure où elle permet aux individus exclus des services bancaires traditionnels (pour des raisons financières -pas assez de ressources-, géographiques -trop loin-, culturelles -certaines religions n’acceptent pas l’usure par exemple-, d’éducation -manque de diplômes et donc méfiance des banquiers-) d’y accéder.


La microfinance est une finance sociale qui possède plusieurs objectifs : accès pour tous à des services financiers (principalement des prêts bancaires de petit montant) et non-financiers (microassurance, accompagnement et formation…), réinsertion des travailleurs dans le monde du travail, l’indépendance des femmes, l’entrepreneuriat social…et répond donc à plusieurs objectifs de développement durable :


(1) Pas de pauvreté,

(2) Égalité entre les sexes,

(3) Travail décent et croissance économique,

(4) Inégalités réduites.


Les Objectifs du Développement Durable (ODD) associés


Elle propose plusieurs produits et services, notamment :

  • Micro-prêts : des prêts de petits montants, en moyenne autour de 300 euros dans les pays émergents, une moyenne plus élevée dans les pays développés, dont la maturité peut s’étendre jusqu’à un an renouvelable.


  • Micro-assurance : des assurances proposées aux populations en dessous du seuil de pauvreté, pour s’assurer contre les aléas de la vie.


  • Éducation financière : un élément clé de la microfinance, c’est proposer aux bénéficiaires un accompagnement et des formations sur l’éducation financière : elles peuvent concerner la gestion de prêts et des remboursements, la gestion de son commerce, son business plan etc. Certaines institutions vont même au-delà : elles proposent également des programmes de santé, gestion de l’eau, de l’éducation primaire, entre autres.


La genèse de la microfinance


Années 1970 et 1980, au Bangladesh. Le pays traverse des niveaux de pauvreté alarmants. Environ 90% de la population vivait sous le seuil de pauvreté dans les années qui suivaient l’indépendance du Bangladesh, en 1971. Pendant ce temps, les institutions du pays semblent fragiles et l’économie informelle se développe davantage. En réponse à un système financier inadéquat et qui profite qu’à ceux qui détiennent déjà des ressources, naît la première Institution de Microfinance (IMF) au monde, la Grameen Bank, portée par le Professeur Muhammad Yunus.


 

Professeur Muhammad Yunus, économiste et entrepreneur bangladais, lance dans les années 70 la Grameen Bank (Grameen signifiant « village ») après s’être intéressé à la pauvreté et au micro-prêt comme solution. Ayant du succès, le modèle Grameen de micro-crédit s'exporte dans le reste du monde dès le début des années 90. Il reçoit en 2006 le prix Nobel de la paix. Il continue aujourd’hui son engagement de Social Business auprès des jeunes, des institutions de microfinance et d’autres institutions bancaires dans le monde.

 

La méthodologie Grameen commença à se développer dans plusieurs pays émergents, ayant eu un grand succès au Bangladesh et en Inde. Les caractéristiques principales de ce modèle (non exhaustives) :

  • Les prêts souscrits par groupe de personnes (5 à 10), même si certaines IMF proposent aussi des prêts individuels


  • Les micro-prêts sont généralement productifs, c’est-à-dire que les clients doivent justifier une source de revenu potentielle permise par l’accès à ce prêt


  • Les agents de crédit se rendent sur place pour proposer les services et réaliser les différentes transactions (déboursement, remboursement, paiements des intérêts…)


La microfinance au XXI siècle


Les crises de la microfinance

Alors que le modèle se répand surtout dans les pays en développement, les limites de ce modèle se manifestent très rapidement. Plusieurs crises propres au secteur de la microfinance remettent en question son fonctionnement et son impact sur le long terme. Parmi les causes des crises suite à la dégradation des indicateurs (La crise de la microfinance : crise de maturité ou d’un modèle de financement ? Cairn Info, 2014) :


  • Surendettement des clients et manque de transparence concernant les endettements multiples

  • Incidence de la relation client-institution et problèmes de liquidités des emprunteurs (Maroc, Sénégal)

  • Faiblesse des systèmes d’information et de gestion et reporting (Maroc)

  • Forte concentration de marché et faible diversification (Maroc)

  • Causes socio-politiques (Nicaragua, 2011)

  • Autres causes selon les contextes socio-économique et politique

Les crises ont réussi à se dissiper, ou à être contenues. Elles ont permis à certaines institutions de s’ajuster et de renforcer la réglementation du secteur pour éviter les dérives. Ces difficultés ont néanmoins permis de renouer avec le but originel de la microfinance, non plus comme étant la solution miracle à la fin de la pauvreté, mais comme un outil de développement local, permettant d'atteindre l’indépendance financière.


2020, une année bouleversante

Le secteur de la microfinance a été très durement impacté par la crise du Covid-19, pour plusieurs raisons : baisse significative de la demande et fragilité de certaines institutions, frappées par le ralentissement économique, le retard ou défaut de paiements des clients, la réduction voire l’arrêt de financements extérieurs et donations. En dehors des aspects financiers et économiques, les restrictions sanitaires (couvre-feux, confinements successifs…) n’ont pas permis aux agents de crédits de se rendre sur place, comme ils le font habituellement, pour débourser les prêts, récupérer les mensualités et former les micro-entrepreneurs.

Globalement, les IMF ont pris des mesures de gestion de crise, internes et externes (ressources humaines, restructuration de portefeuille) et ont profité des changements pour accélérer la digitalisation de certains services.



2021, une année montrant des signes d’amélioration

Comme le montre le Baromètre de la finance à impact 2022 et l’analyse d’ATLAS, les tendances dans le secteur de la microfinance se sont montrées positives en 2021 et début 2022 : reprise de la croissance médiane du portefeuille brut (11,8% en 2021 contre 2% en 2020), augmentation d’emprunteurs (156,1 millions en 2021), réduction des risques de portefeuille (liés à moins de retard/défaut de paiements)…


Enfin, la répartition géographique du marché de microfinance a connu quelques variations, sans pour autant changer la répartition globale :

L’Asie du Sud et du Sud-Est accueille globalement la plus grosse part de marché et de bénéficiaires, suivie par l’Amérique latine et les Caraïbes. La microfinance est également présente en Europe : les prêts moyens sont plus élevés, mais les bénéficiaires moins nombreux ainsi que leur part de marché globale.


L’écosystème de la microfinance


A part être micro-emprunteur ou travailler dans une IMF… pas grand-chose à faire. Eh bien non, il n’y a pas de quoi s’ennuyer : l’écosystème de la microfinance est certes peu connu, mais il est divers et varié. Par exemple, pour avoir assez de fonds pour prêter à leurs clients, les IMF s’endettent à leur tour auprès d’institutions bancaires, ou bien ont recours à des donations. Cela demande de gérer des montants de crédit bien plus conséquents, au profit d’une finance sociale, en banque, ou en fonds à impact, par exemple. En plus, selon les services et produits qu’elle propose, l’IMF se lie de partenariats avec des acteurs financiers pour les garanties spécifiques, ou bien avec des acteurs locaux, pour venir compléter son offre (santé, eau, énergie renouvelable…). Elles peuvent faire partie de plus grands réseaux, comme le European Network Microfinance (ENM) en Europe, REDCAMIF en Amérique centrale ou bien le Microfinance African Institutions Network (MAIN). Du côté de la data, plusieurs plateformes se sont spécialisées dans le suivi financier ET social pour aider les IMF dans le reporting interne et externe. Enfin, le but ultime de la microfinance reste quand même sa mission sociale. En effet, il est important de prendre en compte ses résultats sociaux et l’impact social sur les bénéficiaires : ainsi se développe les missions d’audit social auprès des IMF, grâce à plusieurs outils qui permettent d’évaluer et de comparer la performance sociale (on peut citer comme exemple l’outil SPI4 développé par Cerise).


La définition de Normes Universelles de Gestion des Performances Sociales et Environnementales par CERISE, Social Performance Task Force et d'autres parties prenantes permettent aussi d'accompagner les acteurs dans la gestion des opérations et de la direction.

Source : Social Performance Task Force

L’impact et la performance sociale de la microfinance : un rêve ou une réalité ?


On dit que la microfinance suit une mission sociale : cela est généralement accompagné par un certain nombre d’objectifs et d’indicateurs sociaux, qui sont là pour évaluer la performance sociale des IMF d’une année à l’autre. Parmi les plus communs et plus faciles à tracer :

  • la part des femmes parmi les clients de l’institution,

  • la part des clients provenant de milieux ruraux,

  • le nombre d’heures de formation et d’accompagnement mis en place par l’IMF,

  • le nombre d’emplois ayant été préservés ou créés par le bénéficiaire…

Cette liste nonexhaustive permet d’ores et déjà de comprendre et tracer les objectifs sociaux de l’IMF. Certaines IMF, par exemple, visent exclusivement 100% de femmes dans leur portefeuille, d’autres aimeraient croître la part de leurs clients vivant en milieu rural pour toucher les personnes les plus éloignées de la ville…


Les institutions peuvent à ce titre publier des rapports de performance, ou bien aller plus loin en lançant des études sur l’impact social de leurs activités sur les bénéficiaires.


Les défis de la microfinance : les taux d’intérêt et la microfinance verte


Taux d’intérêt

Un paradoxe de la microfinance sociale est le niveau de taux d’intérêt qui vient rajouter une contrainte financière supplémentaire aux micro-emprunteurs. Professeur M. Yunus déclarait qu’un taux d’intérêt acceptable en microfinance ne dépasserait pas le seuil de 25%. Les taux, dans la réalité, peuvent aller de 15% à 80%, selon les régions, la taille des IMF et d’autres composantes. Cela montre l’impact limité de la microfinance. Qu’est-ce qui explique cela ? D’après l’Ecole de la Microfinance :

  • Des taux opérationnels plus élevés qu’en banque classique : ce sont les agents de crédits qui se déplacent directement sur le lieu de vie ou de travail des micro-emprunteurs, parfois plusieurs fois par mois ;

  • Des taux d’emprunts également élevés, puisqu’il s’agit d’un marché plus risqué, et donc les banques appliquent des taux selon leur propre politique de risque ;

  • Des coûts de risque plus élevés, notamment pour les premiers micro-crédits et selon le stade de maturité de l’activité du client ;

  • D’autres charges, comme les formations, et les coûts d’accompagnement, des charges liées au remboursement en espèce par exemple.



Microfinance verte

Les crises environnementales et sociales touchent et toucheront davantage les ménages les plus démunis, et les pays les plus vulnérables : la majorité des clients des IMF se trouvent au croisement de ces deux événements. Pour répondre à des nouveaux besoins croissants, les IMF ont un rôle supplémentaire à jouer : soutenir les clients pour faire face à la transition environnementale et aux aléas climatiques. Au-delà des micro-prêts classiques, dits productifs, on voit l’essor modeste de plus en plus de produits « verts » en faveur de l’agriculture durable, de l’efficacité énergétique, de l’accès à l’eau potable, de rénovation de logement, et ce, malgré un manque d’expertise et de compétences dans le domaine de l’environnement. À nouveaux, plusieurs outils viennent soutenir la démarche, comme le fait le Green Index qui cherche à verdir aussi bien la stratégie de l’IMF, sa politique de gestion de risques que son portefeuille global.




Sources :


-The Global Findex Database 2021 Financial Inclusion, Digital Payments, and Resilience in the Age of COVID-19. (2022). The World Bank. https://www.worldbank.org/en/publication/globalfindex/Report


- Pauvreté au Bangladesh. Retrieved October 2, 2022, from https://gaz.wiki/wiki/fr/Poverty_in_Bangladesh


- La crise de la microfinance : crise de maturité ou d’un modèle de financement ? (2014). Cairn Info. https://www.cairn.info/revue-techniques-financieres-et-developpement-2014-2-page-79.htm


- Baromètre de la finance à impact 2022. (2022). Convergences. https://www.convergences.org/wp-content/uploads/2022/09/Barometre-de-la-Finance-a-Impact-2022_FR_VF-min.pdf


- Les taux d’intérêts en microfinance. (2021, November 16). École De La Microfinance. Retrieved October 2, 2022, from http://www.ecole-de-la-microfinance.com/pourquoi-des-taux-dinterets-eleves/

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