top of page
Rechercher
  • reboot116

Stratégies de décarbonation des Oil & Gas

Dernière mise à jour : 24 mars 2022

Ces deux dernières années, un florilège de stratégies de décarbonation afin d'atteindre les objectifs dits de "neutralité carbone" a émergé, que ce soit concernant les pays ou les entreprises. Au regard du poids dans les émissions de gaz à effet de serre induites par l'industrie pétrolière et gazière, nous avons voulu décrypté ses stratégies de décarbonation.



NB : la neutralité carbone est un concept clé que l’on ne doit pas prendre pour acquis dès lors qu’une entreprise met en avant son engagement. Deux facteurs principaux à ne pas oublier :

  • La neutralité carbone est un concept mondial : si une entreprise s’engage à être neutre en carbone d’ici 2050 sur un certain périmètre géographique, mais pas le reste cela n’a pas de sens. Exemple : Total a annoncé sa neutralité carbone pour 2050, mais seulement en Europe.

  • La neutralité carbone doit prendre en compte tout le périmètre opérationnel de l’entreprise : incluant ainsi le scope 1&2 et le scope 3 (émissions indirectes).

Pour qu’un engagement de neutralité soit raisonné et raisonnable il faut que l’entreprise s’engage à réduire ses propres émissions, réduire celles des autres via des émissions évitées et augmenter les puits carbone. (1)

On vous conseille cet article pour y voir plus clair sur le concept de neutralité carbone.

L'industrie Oil & Gas


L'industrie des entreprises pétrolières et gazières est divisée en trois segments :

  • l'exploration et la production : en amont de la chaîne, ce sont les entreprises qui recherchent dans le monde entier des réservoirs de matières premières et qui forent ensuite pour les extraire.

  • la distribution : au milieu de la chaîne, ce sont les entreprises qui sont chargées de transporter les matières premières extraites jusqu'aux raffineries pour traiter le pétrole et le gaz.

  • le raffinage : en aval de la chaîne, ce sont les entreprises en charge d'éliminer les impuretés et de transformer le pétrole et le gaz en produits destinés au grand public comme on les connaît, tels que l'essence, le kérosène, le fioul domestique et l'asphalte...



'Oil & Gas Climate Initiative' : ça donne quoi ?


Cette initiative a été créée en 2014 afin d'entreprendre un futur durable au sein de l'industrie Oil & Gas, sur l'ensemble de la chaîne de valeur. Elle regroupe ainsi un consortium d'entreprises exclusivement pétrolières et gazières, et est menée par les PDGs de ces mêmes entreprises. Treize grands groupes alliés au sein de l'Oil & Gas Climate Initiative ont annoncé leur intention de tendre vers le zéro émission. Ils promettent d'investir dans la détection, la prévention et la réparation des fuites.




Une stratégie de décarbonation (légèrement) biaisée...


Le problème majeur à mettre en avant sur les stratégies de décarbonation des entreprises du secteur Oil & Gas, est que leurs ambitions restent vagues, opaques et ne permettent pas réellement leur comparaison avec d’autres stratégies de décarbonation.


Premièrement la plupart des acteurs raisonnent en termes d’émissions nettes et non absolues (ce qui permet l’utilisation d’offsets ou de CCUS - carbon capture utilization and storage-) ou alors en termes d’intensité carbone, une métrique qui le plus souvent repose sur deux paramètres : l’émission eqC02 par énergie produite. Cette métrique est très opaque car elle ne permet pas de rendre compte des objectifs de réduction d’émissions absolues.


Encore pire, chaque entreprise a sa propre définition des métriques utilisées (Net vs Absolue, intensité en énergie ou en prix du baril de pétrole, définitions peu claires des scopes…) et choisit des unités différentes (J, Wh, bboe…) pour communiquer ses ambitions.

Enfin et contrairement aux autres industries, le scope 3, même s’il reste très important et concentre la majorité des émissions, ne dépend pas entièrement du contrôle des majors qui comptent aussi sur les réglementations (notamment sur la mobilité verte par exemple) pour pouvoir se vanter de réductions qui ne résultent pas forcément de leurs efforts.

Les scopes 1 et 2 (exploration, extraction, transport et distribution en général) peuvent aussi être très émetteurs et il est essentiel que les CAPEX soient redirigés vers des énergies renouvelables pour rendre le mix énergétique de l’entreprise plus vert.


Un autre point critique des stratégies de décarbonation est le pourcentage de CAPEX dirigés vers l’extraction non-conventionnelle plus polluante (extraction en Arctique, shale oil, sables bitumineux ou encore l’heavy Oil par exemple) et vers l’exploration. Pour rappel, pour être Net Zero en 2050, la recommandation de l’IAE (International Agency of Energy) est bien de ne plus faire de nouveaux projets Oil&Gas ! (6)


Enfin, l’utilisation massive des offsets et des CCUS pour “netter” les émissions absolues est plus que problématique : concernant les offsets, l’opacité de l’industrie et les méthodologies sont déjà problématiques en soit mais c’est surtout le fait qu’il n’y ait tout simplement pas assez de surface sur Terre pour capter le CO2 émis qui décrédibilise toutes stratégies reposant sur ce système. (7)

Enfin, les CCUS, très à la mode ces dernières années, sont pour l’instant critiqués car extrêmement énergivores et coûteux. (8)




Les stratégies de décarbonation à la loupe 🔎

BP (3) :

L'entreprise dispose d'une stratégie de décarbonation pour atteindre ses objectifs de réduction des GES à long et moyen terme, sans se fixer d'objectif d'augmentation de la part des "revenus verts" dans ses ventes globales OU en divulguant la part des "revenus verts" qui est supérieure à la moyenne du secteur.


ENI (3) :

L'entreprise a une stratégie de décarbonation pour atteindre ses objectifs de réduction des GES à long et moyen terme. Sa stratégie comprend un engagement à générer des revenus verts à partir de produits et services à faible teneur en carbone.


TOTAL (3) : L'entreprise ne dispose pas d'une stratégie de décarbonation pour atteindre ses objectifs de réduction des GES : Total n’a pas identifié un ensemble de mesures qu'il entend prendre pour atteindre ses objectifs au cours de la période visée, même si l’entreprise dégage déjà des revenus de produits ou services moins gourmands en carbone.


EXXON MOBIL (3) :

L’entreprise ne dispose d’aucune stratégie de décarbonation. Il n’y a par exemple par de mesures identifiées pour baisser ses émissions, ni un engagement à générer des revenus verts.


PETRÓLEO BRASILEIRO (3) :

Comme EXXON, l’entreprise ne dispose d’aucune stratégie de décarbonation mettant en avant des mesures clés pour baisser ses émissions ou une diversification du revenu vers des produits décarbonés.



Le rôle de la finance

Globalement, à l’échelle mondiale, les acteurs les plus émetteurs de gaz à effet de serre n’ont pas des ambitions conformes à la stratégie des Accords de Paris : maintenir le réchauffement climatique en deçà de +1.5°C par rapport au niveau pré-industriel. En effet, selon le rapport du PNUE sur le déficit de production, la production de combustibles fossiles prévue par les pays dépasse de 120 % le niveau qui permettrait de limiter le réchauffement à 1,5 °C. Pourtant, selon l’ONG Reclaim Finance (4), les banques ont investi 2 700 milliards de dollars dans les entreprises de combustibles fossiles depuis l'adoption des Accords de Paris. En France, ce sont 295 milliards de dollars qui ont été investis depuis 2016 dans les hydrocarbures par les banques françaises (5).


Exemple d’un acteur français engagé :

Au-delà de son annonce de sortie complète du charbon d’ici 2030, la Banque Postale a également annoncé un retrait complet des énergies fossiles (pétrole et gaz) à la même date. Grâce à cela, la Banque Postale est la première banque européenne à voir son plan de décarbonation reconnu par l'initiative Science Based Targets (SBTi) : objectif de neutralité carbone nette d’ici 2040.




Pour finir…


Petite mention spéciale à Shell qui précise bien dans sa stratégie de décarbonation (9) :

"To help step up the pace of change, in October 2021, we set a target to reduce absolute emissions by 50% by 2030, compared to 2016 levels“

Super ça non, ils parlent enfin en émissions absolues ?

Sauf que quand on regarde en bas :

”Calculated on a net basis, which allows for the use of carbon capture and storage as well as nature-based solutions”

Émissions absolues donc ?


 

Sources :


(1) : Les trois piliers de la contribution à la neutralité : Net Zero Initiative par Carbone 4, soutenu par l’ADEME et le Ministère de la Transition écologique.

(2) : Carbon4 Finance, Publication The Oil Industry - Décembre 2020. Échantillon d'une centaine d'entreprises de l'industrie du pétrole et du gaz (O&G).

Climate Action 100+ est une initiative d'investisseurs visant à garantir que les plus grandes entreprises émettrices de gaz à effet de serre au monde prennent les mesures nécessaires pour lutter contre le changement climatique.

(4) : Banking on climate change 2020 Reclaim Finance

(5) : Banking on climate change 2021 Reclaim Finance

6 vues

Comentarios


bottom of page