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Où en est la transition énergétique ?
Lorsque l’on parle d’écologie, un des thèmes les plus abordés est la transition énergétique : de quoi s’agit-il exactement ? Quels sont les enjeux sous-jacents ? À quel niveau de progrès se situe-t-on aujourd’hui ? Quels changements seront nécessaires, quels obstacles et quels leviers à la transition énergétique ?
Cet article a pour objectif de vous donner les clés pour répondre à ces questions.
La transition énergétique : qu'est-ce que c’est ?
De manière générale, une transition énergétique est une transformation de nos modes de production et de consommation de l’énergie au sens large.
Concrètement, d’après Novethic, “la transition énergétique désigne le passage d'un système énergétique qui repose essentiellement sur l'utilisation des énergies fossiles, épuisables et émettrices de gaz à effet de serre (que sont le pétrole, le charbon et le gaz), vers un bouquet énergétique donnant la part belle aux énergies renouvelables et à l'efficacité énergétique.”
Ainsi, dans le contexte d’urgence climatique sur lequel alerte le GIEC a de nombreuses reprises, la transition énergétique a pour objectif de réduire les impacts négatifs sur l’environnement du secteur énergétique.

Quelques définitions pour mieux comprendre…
Energies renouvelables : énergie produite à partir de sources non fossiles renouvelables, à savoir l'énergie éolienne, l'énergie solaire (solaire thermique et solaire photovoltaïque) et géothermique, l'énergie ambiante, l'énergie marémotrice, houlomotrice et d'autres énergies marines, l'énergie hydroélectrique, la biomasse, les gaz de décharge, les gaz des stations d'épuration d'eaux usées et le biogaz. (source : Regulation (EU) 2019/2088)
Energies non-renouvelables : toutes les énergies qui ne sont pas renouvelables (source : RTS de la réglementation SFDR (EU) 2019/2088)
Energies fossiles : c’est l’énergie produite par la combustion du charbon, du pétrole ou du gaz naturel. Ces combustibles, riches en carbone et hydrogène, sont issues de la transformation de matières organiques enfouies dans le sol pendant des millions d’années, d’où le terme « fossiles ».(source : https://www.atoo-energie.com/lexique/)
Energie verte : énergie produite uniquement à partir de sources d’énergies renouvelables. (source : https://www.atoo-energie.com/lexique/)
Energie propre : une énergie propre, ou énergie verte, est une source d’énergie dont l’exploitation ne produit que des quantités négligeables de polluants par rapport à d’autres sources plus répandues et considérées comme plus polluantes. (source : https://www.edfenr.com/lexique/energie-verte/)
Energie décarbonée : énergie qui n’émet pas de dioxyde de carbone (CO2). Dans une acception commune, toutes les énergies renouvelables ainsi que l’énergie nucléaire sont considérées comme décarbonées. Au sens propre, cette notion mérite pourtant plusieurs nuances :
aucune énergie n’émet en réalité « zéro carbone » si l’on intègre les étapes en amont et en aval de la production d’énergie (fabrication du panneau solaire, de l’éolienne, du réacteur nucléaire...). En toute rigueur, il faudrait donc parler d’énergies « faiblement carbonées » ;
la biomasse fait encore l’objet d’une particularité : bien que sa combustion entraîne une production de CO2, on considère que la reconstitution naturelle de la biomasse, qui capte du CO2, compense ces émissions.
En résumé, toutes les énergies renouvelables sont faiblement carbonées (et qualifiées de « décarbonées »). Ce postulat n’est pas réversible : l’énergie nucléaire, également « décarbonée », n’est pas une énergie renouvelable car la consommation d’uranium comme combustible n’est pas compensée par un processus de reconstitution naturelle. (source : https://www.connaissancedesenergies.org/idees-recues-energies/peut-parler-indifferemment-denergie-renouvelable-ou-decarbonee)
Mix énergétique : il désigne les différentes sources d’énergie (nucléaire, renouvelables, thermiques, etc.) utilisées dans la production d’énergie d’un pays. (source : https://www.atoo-energie.com/lexique/)
Mix électrique : il désigne les sources d’énergie utilisées dans la production d’électricité d’un pays. (source : https://www.novethic.fr/lexique/detail/mix-electrique.html)
Mtep : est la mégatonne équivalent pétrole, soit une unité de mesure de l’énergie. 1 Mtep = 11,63 TWh. (source : https://www.atoo-energie.com/lexique/)
kWh : le kilowatt-heure ou kilowattheure (symbole kW h, KW-h ou selon l’usage, kWh) est l’unité légale internationale de la puissance. Un kilowatt-heure vaut 3,6 mégajoules. Si de l’énergie est produite ou consommée à puissance constante sur une période donnée, l’énergie totale en kilowatts-heures est égale à la puissance en kilowatts multipliée par le temps en heures. Le kilowatt-heure est surtout utilisé pour l’énergie électrique, mais il l’est aussi pour facturer le gaz combustible et faire des bilans énergétiques. (source : https://www.atoo-energie.com/lexique/)
Consommation finale brute d'énergie : les produits énergétiques fournis à des fins énergétiques à l'industrie, aux transports, aux ménages, aux services, y compris aux services publics, à l'agriculture, à la sylviculture et à la pêche, à la consommation d'électricité et de chaleur par la branche énergie pour la production d'électricité, de chaleur et de carburants destinés aux transports, et les pertes sur les réseaux pour la production et le transport d'électricité et de chaleur. (source : Regulation (EU) 2019/2088) On distingue la consommation finale brute de la consommation finale nette suite aux pertes d’énergie.
Consommation d’énergie primaire : La consommation d'énergie primaire mesure la demande totale d'énergie d'un pays. Elle couvre la consommation du secteur énergétique lui-même, les pertes lors de la transformation (par exemple, du pétrole ou du gaz en électricité) et de la distribution de l'énergie, ainsi que la consommation finale des utilisateurs finaux. Elle exclut les vecteurs énergétiques utilisés à des fins non énergétiques (comme le pétrole qui n'est pas utilisé pour la combustion mais pour la production de plastiques). . (source : https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php?title=Category:Energy_glossary)
Production d’énergie primaire : toute extraction de produits énergétiques sous une forme utilisable à partir de sources naturelles. Cela se produit soit lors de l'exploitation des sources naturelles (par exemple, dans les mines de charbon, les champs de pétrole brut, les centrales hydroélectriques), soit lors de la fabrication de biocarburants.
La transformation de l'énergie d'une forme à une autre, comme la production d'électricité ou de chaleur dans les centrales thermiques (où les sources d'énergie primaires sont brûlées), ou la production de coke dans les fours à coke, n'est pas une production primaire.
(source : https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php?title=Category:Energy_glossary)
Garantie d'origine : un document électronique servant uniquement à prouver au client final qu'une part ou une quantité déterminée d'énergie a été produite à partir de sources renouvelables. (source : Regulation (EU) 2019/2088)
Certificats d’Économies d’Énergie (CEE) : le dispositif des Certificats d’Économies d’Énergie repose sur une obligation de réalisation d’économies d’énergie imposée par les pouvoirs publics aux vendeurs d’énergie appelés les « obligés » (électricité, gaz, chaleur, froid, fioul domestique et nouvellement les carburants pour automobiles). Ceux-ci sont ainsi incités à promouvoir activement l’efficacité énergétique auprès de leurs clients : ménages, collectivités territoriales ou professionnels. (source : https://www.atoo-energie.com/lexique/)
Scénarios de transition : décrit une trajectoire possible vers un système énergétique équilibré, moins risqué, émettant le moins possible de gaz à effet de serre. (source : https://www.greenpeace.fr/scenario-de-transition-energetique/)
Divers scénarios de transition énergétique sont proposés par les institutions scientifiques et/ou politiques. L’IAE (International Agency of Energy) a notamment proposé un scénario de transition énergétique lié à l’objectif de neutralité carbone d’ici 2050.
Mais où en est-on vraiment ?
Dans le monde
Le but de la transition énergétique est de réussir à répondre à une demande, pour le moment croissante et qu’il faudrait plus modérée, par une offre durable, c'est-à-dire la moins carbonée possible.
En 2021, l’IAE a comparé son scénario de zéro émission nette d’ici 2050 par rapport aux investissements énergétiques dans le monde (World Energy Investment 2021).

Source : IAE, World Energy Investment 2021
Globalement, comme le montre le graphique ci-dessus, les investissements énergétiques, quelles que soient les sources, ont augmenté pour répondre à une demande croissante.
Plusieurs constats s’ajoutent à cela :
Un ralentissement des investissements liés à la crise du coronavirus
Une aide particulière fournie aux énergies renouvelables via les plans de relance
Mais malgré tout, les investissements énergétiques restent majoritaires en direction des énergies fossiles (environ 60% en 2021).
Ces constats ne sont pas compatibles avec le scénario Net Zero de l’IAE (NZE).
En effet, les besoins d’investissements dans les énergies renouvelables sont colossaux pour pouvoir s’aligner avec ce scénario (4ème colonne sur ce graphique) :

Source : IAE, World Energy Investment 2021
Pour la première fois, l’Agence internationale de l’Énergie a alors appelé à tourner définitivement la page des énergies fossiles en cessant les investissements dans ces énergies dès 2021 (Net Zero by 2050)
Pour mieux comprendre l’état des lieux actuel dans le monde, voici le mix énergétique mondial en 2018, majoritairement composé d’énergies fossiles :

En Europe
L’Europe s’est lancée le défi du Green Deal pour développer une énergie décarbonée d’ici 2050. L'Union Européenne souhaite "plus que jamais" mettre en œuvre son indépendance énergétique dans le contexte de la guerre en Ukraine et à la menace russe via un plan de diversification énergétique RePowerEU.
Pour autant ce contexte géopolitique représente une menace à ces bonnes volontés européennes: des pays comme la France, l’Allemagne, les Pays-Bas et l’Autriche, rouvrent des centrales de charbon, pourtant fermées dans l’objectif de réduire les émissions de carbone, et ainsi sortir de la dépendance du gaz russe… (Europe's turn back to coal a 'temporary' measure in response to Russian gas cuts).
Pourtant, comme Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU, le souligne, il ne faut pas prendre la guerre en Ukraine comme un biais possible de dépendance énergétique.
Et il faut être ferme : la dépendance énergétique est liée à la dépendance aux puits de fossiles détenus par certains pays, et investir dans le renouvelable résoudrait la double contrainte carbone : réduire à la fois ses émissions de gaz à effet de serre et sa dépendance énergétique.
« Il faut s'assurer que nous utilisions cette crise pour aller de l'avant, et non pas pour revenir en arrière sur les combustibles fossiles sales » selon Ursula von der Leyen, présidente de la Commission Européenne.
Justifiées comme des réponses temporaires à la hausse des prix de l’énergie, ces décisions de réouverture de centrales à charbon, envoient un très mauvais signal en faveur de la transition énergétique aux pays encore très dépendants du charbon. Aussi, la consommation d’énergie primaire en Europe reste majoritaire pour les sources d’énergies fossiles, comme le montre le graphique ci-dessous :

Source : IAE, Région Europe
Le cas français
Le mix électrique français est très souvent mis en avant pour sa très faible empreinte carbone par rapport à la moyenne des pays développés : en effet la France bénéficie d’une électricité très peu carbonée composée à presque 70% d’énergie nucléaire.

Source : Ministère de la Transition Écologique
Mais quand on regarde de plus près le mix énergétique global de la France, il reste carboné et dépend à plus de 45% d’énergies fossiles (charbon pétrole, déchets non renouvelables et gaz naturel) en source d’énergie primaire :

Source : Statistiques du Ministère de la Transition Énergétique
Quel est le plan pour décarboner le mix énergétique français ?
Deux documents ont été rédigés à ce sujet :
La PPE : la Programmation Pluriannuelle de l'Énergie adoptée en 2020 et revue chaque année. Cette programmation prévoit d’ailleurs une fermeture de toutes les centrales à charbon. Mais le ministère de la Transition énergétique se donne la possibilité de remettre en service la centrale à charbon de Saint-Avold, en Moselle pour combler les manques à prévoir pour l’hiver prochain, liés à la guerre en Ukraine…
La SNBC : la Stratégie Nationale Bas Carbone qui a pour objectif de réduire les émissions de gaz à effet serre.
Sur le sujet de la décarbonation et de la réduction des émissions de gaz à effet de serre, la SNBC établit des budgets carbone pour des tranches d’années à partir de 2015 afin d’atteindre l’objectif de neutralité en 2050. “ Ce sont des plafonds d’émissions de gaz à effet de serre à ne pas dépasser au niveau national sur des périodes de cinq ans, exprimés en millions de tonnes équivalent CO2".
Bilan du premier budget carbone :
“Le bilan provisoire du solde du premier budget carbone 2015-2018 indique un dépassement estimé à 65 Mt CO2eq sur l’ensemble de la période, soit 3,7 % du premier budget, soit un surplus moyen d’environ 16 Mt CO2eq par an. Les émissions n’ont décru que de -1,0% par an en moyenne entre 2015 et 2018, alors que le scénario SNBC 2015 projetait une diminution des émissions de -2,2% par an en moyenne.”

Source : Stratégie Nationale Bas Carbone - Budgets carbones à venir, révisés.
On peut voir que la SNBC prévoit notamment des diminutions des émissions de GES dans les secteurs des Transports, du Bâtiment, de la production d’énergie et de l’industrie.
La nécessité d’une transition des modes de vie
Parce que la consommation d’énergie est par définition dépendante de la demande en énergie, de plus en plus d’institutions pointent le doigt sur la nécessité d’être plus sobre énergétiquement. Ironiquement, même les plus gros pollueurs comme Total Energies appellent à plus de sobriété de la part des citoyens… En effet, au-delà de la transition écologique nécessaire, le prochain hiver sans gaz russe est pour l’instant peu planifié : le plan RePower EU a pour objectif de répondre à l’urgence énergétique et sortir de la dépendance aux fossiles russes.
C’est également l'opinion du président du gestionnaire de réseau RTE : « Il y aura forcément des changements dans les modes de vie. On ne passe pas d'un claquement de doigt d'une société dépendante des fossiles à une société neutre en carbone ».
L’Agence internationale de l’énergie a mis elle aussi pour la première fois en avant la sobriété pour atteindre l’objectif de zéro émissions net de CO2 dans son rapport publié en mai 2021 (Net zero by 2050 – a Roadmap for the Global Energy Sector) : la demande énergétique mondiale doit décroître de 8% exactement, malgré les perspectives d’augmentation de la population d’environ 2 milliards d’ici 2050.

Pour cela, l’IAE propose des mesures concrètes :
Conclusion
Dans son dernier rapport, World Energy Investment 2022, l’IAE souligne qu’après avoir stagné pendant plusieurs années, les dépenses mondiales en matière d'énergie propre s'accélèrent enfin. Mais le gros point noir reste que ces tendances en matière d'investissement dans les énergies propres varient considérablement entre les régions du monde et risquent donc d’accentuer encore plus les inégalités liées à la dépendance énergétique :

Source : IAE, World Energy Investment 2022
L’IAE relève également la tendance à réinvestir dans des énergies fossiles, notamment le charbon, par réponse temporaire à la crise liée à la guerre en Ukraine… L’institution souligne aussi que la finance durable connaît des difficultés de croissance, mais reste importante pour le financement des énergies propres, même si cela reste concentré dans les économies avancées.
En conclusion de ce dernier rapport éloquent, l’IAE remet un point d’honneur au fait qu’une transition énergétique sûre et abordable repose uniquement sur une augmentation massive des investissements dans les infrastructures d'énergie propre. Et pour le moment les tendances actuelles en matière d'investissement dans l'énergie montrent que le monde n'atteint pas ses objectifs en matière de transition énergétique, afin de proposer une offre suffisante en énergie propre, fiable et abordable.
Qu’est-ce que l’IAE ?
L’AIE (Agence International de l'Énergie - IAE pour International Agency of Energy en anglais) est une organisation internationale fondée à l'OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Economiques) en 1974 et basée à Paris. Au lendemain du choc pétrolier de 1973, l’objectif était d’assurer la sécurité d’approvisionnement en pétrole des pays membres. Si la sécurité énergétique reste une mission centrale de l’agence, l'AIE est aujourd'hui au centre du débat mondial sur l'énergie, se concentrant sur une grande variété de questions comme le changement climatique, la pollution atmosphérique, l'accès à l'énergie et l'efficacité énergétique.
Aujourd’hui l’Agence comprend 31 pays membres (majoritairement en Europe avec aussi les Etats-Unis, le Japon, l’Australie et le Canada, …) et 10 pays dans le programme d’association. Au sein de l’AIE, 75 % de la consommation énergétique mondiale est désormais représentée, contre 40 % en 2015. La France n’a rejoint l’agence en tant que pays membre qu’en 1992.
Sécurité énergétique :
L’AIE a développé un système collectif d'intervention d'urgence pour assurer une influence stabilisatrice sur les marchés et l'économie mondiale. Il a été activé à trois reprises depuis la création de l'Agence : en janvier 1991, pendant la première guerre du Golfe, en 2005, après que les ouragans Katrina et Rita ont endommagé les infrastructures pétrolières dans le golfe du Mexique et en 2011, pendant la crise libyenne.