5 idées reçues sur l'avion (ou les 5 excuses non recevables)

Jean Castex qui part voter à Perpignan en jet privé au premier tour, puis pense bien faire en avion de ligne au second tour… Alors que Paris-Perpignan c'est 5h de TGV. La directrice de communication de la campagne du Président Macron qui se prend en photo le lendemain des élections à bord d’un autre jet privé. Mais la France sera une “nation écologique” ? L’aviation est un problème réel à prendre en compte pour lutter contre le réchauffement climatique. On t’explique pourquoi en 5 idées reçues ⬇️

1. "L’aviation ne représente que 2% des émissions mondiales”

Sur le site du Ministère de la Transition Écologique on retrouve ce chiffre : l’aviation est responsable de 2% des émissions de CO2 mondiales.(1) Mais les avions sont aussi émetteurs d’autres gaz à effet de serre, tout aussi impactants sur le réchauffement climatique : oxyde d’azote, traînées de condensation, vapeur d’eau, ozone… D’après l’école d’ingénieur spécialisée en aéronautique, ISAE SUPAERO, l’aviation commerciale a représenté 5,1 % de l’impact climatique sur la période 2000-2018 (2) en considérant l’ensemble des émissions de GES. Une autre étude de Stay Grounded avance un chiffre encore plus élevé : les émissions de l’aviation représentent 5.9% du réchauffement climatique (3).

Cela maintenant précisé, il faut rappeler qu’au niveau des émissions de CO2 par voyageur et par km, l’avion vient en tête du classement des transports les plus polluants. D’autant plus que le taux de remplissage des avions n’est pas de 100% mais plutôt de 70-80% ce qui augmente encore les émissions par passager et par km :

Source : ADEME

Pour se rendre compte de l'impact de voyager en avion, faisons un point sur notre empreinte. L’empreinte carbone moyenne d’un français par an en 2019 est évaluée à 9,9 tCO2eq et l’objectif des Accords de Paris est à 2tCO2eq par an et par personne au niveau mondial. Cette empreinte carbone inclut la façon de se loger, de se chauffer, de se déplacer, de se nourrir, de consommer…En voyageant en TGV plutôt qu’en avion, on divise nos émissions par 100.

Parce qu’une image vaut mille mots :

✈️ C’est du concret : un aller retour Paris-NY c’est 2.47tCO2eq, donc plus que le budget carbone annuel d’une personne pour respecter les Accords de Paris. Prendre l’avion fait exploser ton budget carbone annuel : ce n’est pas un mode de transport durable.

2. "L’avion coûte moins cher que le train"

Ce n’est pas le cas sur toutes les destinations, mais effectivement on remarque rapidement qu’un Paris-Biarritz à 99 euros coûte plus cher qu’un Paris-Florence avec Ryanair… Pourquoi ? Le transport ferroviaire coûte très cher en infrastructures et en entretien, beaucoup plus que l’aviation. Le patron de la SNCF, Jean-Pierre Farandou, estime d’ailleurs que le transport aérien n'est pas assez taxé, contrairement au ferroviaire qui est obligé de le répercuter sur les prix des billets. Il a notamment remis en avant le fait que les compagnies aériennes ne sont imputées d’aucun coût lié à leur impact carbone. Ce ne sont donc pas les billets de train qui sont trop chers, mais ceux des avions qui ne le sont pas assez.

Imposée pour les vols internationaux par la Convention de Chicago, et appliquée pour les vols nationaux, la non-taxation du kérosène est aujourd’hui une aberration écologique. La taxe sur le kérosène permettrait de réduire de 9% les émissions de gaz à effet de serre du transport aérien et réunirait des milliards d’euros de recettes fiscales, utilisables pour développer des filières bas-carbone. Seule la Suède s’est mise concrètement à l’action sur le sujet en imposant une taxe climat sur les billets d’avion, ce qui a réduit le nombre de passagers de 5%. Le pays souhaite aussi développer l’offre de train de nuit pour contrebalancer cette réglementation.

"Il est légitime de considérer qu’une taxe sur le kérosène pourrait financer le transport ferroviaire".

Le chef du service transport de l’ADEME, Jérémie Almosni.

Kérosène vs essence ? C’est quoi exactement la différence ?

Le kérosène est plus proche du gazole que de l’essence, et ce qui les différencie principalement c’est leur pouvoir calorifique. Le kérosène produit ainsi plus d’énergie par litre utilisé que l’essence. Mais la composition du gazole diffère de celle de l’essence car le gazole est conçu à partir d’hydrocarbures plus lourds que ceux utilisés pour la fabrication de l’essence.

La différence entre le kérosène et l’essence est aussi dans leur impact carbone.

Pour un litre consommé :

• le kérosène émet 3.08 kgCO2eq

• l’essence émet 2.7 kgCO2eq (4)

3. “L’avion va devenir durable”

Toujours selon le référentiel de l’école ISAE SUPAERO, spécialiste du secteur, des innovations prometteuses sont possibles pour réduire l’impact des effets non-CO2 de l’aviation. “Néanmoins, ces mesures ne peuvent pas se substituer aux efforts de réduction des émissions de CO2 du secteur” argumentent-ils.

Cependant sur les effets néfastes directement liés à l’émission de CO2, les opportunités technologiques sont très limitées. Les deux seuls leviers actuellement disponibles sont les biocarburants et l’amélioration de l'efficacité énergétique. Mais par exemple, l’utilisation de ces biocarburants devra nécessiter le doublement de la quantité d’énergie utilisée, du fait de pertes d'énergie durant les étapes de transformation : c’est la différence entre énergie primaire et énergie finale.

Et encore une fois, le train est tellement peu émissif qu’il s’agirait de privilégier dès maintenant l’offre la plus décarbonée, et ne plus débattre.

4. “L’avion décollera sans moi de toute façon”

C’est du vécu… Là encore, ce n’est pas une excuse. Les compagnies aériennes doivent être rentables : pour cela il faut qu’elle accumule un profit, qui vient directement de vos billets d’avion. La demande en billets d’avion vient accroître l’offre proposée, il en est de même pour le train. En soutenant les filières qui sont durables, on leur permet de se développer à moindre coût.

5. “Je peux passer à côté de tellement de voyages…”

Tout dépend de ce que vous appelez voyage ! Ce n’est que très récemment que les habitudes des européens ont évolué remplaçant les week-ends à deux heures de chez soi en voiture, à ceux à 2h en avion… Concrètement le voyage qu'ont connu nos grand-parents ne ressemble en rien à nos habitudes de voyages d’aujourd’hui.

Première chose, il faut bien se rendre compte que prendre l’avion est un luxe :

• 80% de la population mondiale n’est jamais monté dans un avion

• Seulement 2 à 4% de la population mondiale a voyagé à l’internationale en 2018

• Les émissions de l’aviation, les fameuses “2% seulement” sont causées à 50% par 1% de la population humaine.

C’est la magnifique infographie ci-dessous :

Source : Stay Grounded Deuxième chose, il y a plein d’endroits proches de chez soi à découvrir. La crise du Covid-19 a été d’ailleurs assez bénéfique là dessus, car on apprend à redécouvrir notre pays ! La Dune du Pyla, les calanques de Marseille, les falaises d’Étretat en Normandie, le Colorado français en Provence, la chaîne des puys d’Auvergne, la Baie du Mont Saint-Michel, les merveilles corses, les gorges du Verdon, de l’Ardèche… et tant d’autres ! Y a de quoi faire non ?

Troisième chose, il y a plein d’autres façons de voyager.

• Les trains longues distances : saviez-vous que le Thalys vous emmène en Allemagne en un peu plus de 3h ?

• Les cars : si peu chers et tellement moins émissifs par personne et par kilomètre, par rapport à l’avion.

• Les trains de nuit : on se couche à Paris, on se réveille à Milan ?

• Le co-voiturage : mieux que Tinder ?

• Le vélo : Étienne peut vous en parler !

Pour ceux qui veulent aller plus loin et se rendre compte de l'impact carbone d'un aller retour Paris-Lisbonne ou Paris-Dubaï, rendez-vous sur le simulateur de l'empreinte carbone réalisé par Bon Pote.

Sources :

(1) : Ministère de la Transition Ecologique - Aviation et changement climatique

(2) : ISAE SUPAERO - Référentiel Aviation Climat

(3) : Stay Grounded - Info

(4) : Base Carbone ADEME - Bilan GES